Frustration, régulation et ajustement

La frustration, d’après les témoignages que j’entends, est perçue comme une expérience très désagréable, souvent liée à un sentiment de privation, faisant vivre le manque. La  plupart du temps la définition donnée par les personnes interrogées est : l’impossibilité d’avoir ce que l’on désire. Les synonymes de la langue française proposent les équivalents : dépossession, privation, inassouvissement.

Dans la vie on ne peut pas avoir tout ce qu’on veut est une phrase tout autant célèbre que le fameux c’est pas Versailles ici, deux formules éducatives fréquemment entendues intergénarationnellement. 

Il est vrai que tout n’est pas désirable dans la vie, cependant le fait d’être privé, ou être dans l’impossibilité d’avoir accès à ce qui est souhaité (et parfois vital) engendre des réactions et émotions diverses, comme de la tristesse, colère, révolte, résignation amenant la personne à rechercher un soutien pour faire face à la peine,  selon son intensité,  et parfois conduire à l’apparition et installation d’addictions comme manoeuvre de contournement pour gérer la douleur liée à la frustration. 

La frustration est perturbante, elle se manifeste dans tout le corps, affectant l’état émotionnel et influençant notre façon de vivre cette expérience ainsi que la relation que nous entretenons avec elle. 

Tout au long de notre vie, et cela au moins depuis notre naissance, nous sommes invités à cette frontière contact (entre nous et le reste du monde), à vivre la rencontre entre l’émergence de nos besoins, nos désirs, nos souhaits, nos rêves ET leur satisfaction respective dans le réel, c’est à dire ce que la vie nous offre de satisfaisant et possible, ce qu’elle met à notre disposition  dans l’environnement où nous nous développons. Le déplaisir peut être tel, que la confrontation entre souhait & réalité peut être douloureux, voire insupportable, même apparaitre comme insurmontable. 

Dans le développement de l’enfant, l’importance de la position du parent ou personne référente, en incluant les institutions (crèches, écoles…) à être un soutien offrant sécurité et bonne-traitance (en contraste à maltraitance) lors de ces éprouvés (vécus) de frustration qui constitue un apprentissage indispensable. Agissant sur l’estime de soi, l’anxiété….

En ajustement ou en adaptation, nous mettons en place des stratégies pour naviguer à travers ces moments de décalage entre nos attentes (ce dont nous avions besoin, ce que nous avions imaginé) et la réalité vécue. 

A cet endroit,  en fonction des individus que nous sommes, une variable distincte de tolérance à la frustration apparait, nous sommes inégaux devant la sensation de frustration, chacun vit son expérience de manière unique et singulière avec ses propres façons de libérer ses affects et de décharger ses émotions.

Expérimentation : Le matin, vous quittez votre domicile pour une journée que vous avez planifiée, sur la route, des travaux imprévus surviennent et vous empêchent ….

Que faites-vous ? ; que connaissez vous de vous, dans ces moments ? 

Quel regard portez-vous sur vous ? Ex : Je râle, je suis en colère….

Nommer la liste de vos frustrations, y avez-vous pensé ? ex : Je me sens frustré(e) lorsque je …..

Quelques suggestions de lecture :

Madame Bovary, Gustave Flaubert. La monotonie de la vie du personnage principal

Les Misérables, Victor Hugo, La frustration liée au contexte social, l’injustice et la cruauté

L’Étranger, Albert Camus, : Ce que vit Meursault illustre l’absurde, tandis que la construction de l’histoire peut engendrer une frustration chez le lecteur, qui ne découvre jamais le prénom du personnage central.

La Nausée, Jean-Paul Sartre, frustration existentielle face à l’absurdité du monde.

Le Rouge et le Noir, Stendhal,  le personnage de Julien Sorel et ses ambitions sociales, ainsi que ses désirs amoureux en la personne de Madame de Rênal.

Photo choisie : la Dentellière de Vermeer, le Louvre, Paris