Se centrer sur soi bien avant de se centrer sur l’autre est une manière de mieux comprendre les inter-actions avec les autres   

Je préfère qu’à l’endroit où tu me parles de l’autre, tu décrives ce que tu ressens, que tu me parles de toi, regardons ce que tu vis à l’intérieur de toi lorsque tu racontes l’autre, là où tu dis que tu veux mieux comprendre les autres, que tu veux comprendre pourquoi lui ou elle agit d’une certaine façon. Je préfère que tu me parles de ce que tu ressens lorsque l’autre « fait ça », je te propose de changer de personnage, non pas l’autre, seulement toi. 

Tout le monde, ou presque connait cette expression :  Pourquoi regardes-tu le brin de paille qui est  dans l’oeil de ton voisin (dans le texte originel c’est frère et non  voisin), alors que tu ne remarques pas la poutre qui est dans ton oeil ? Comment peux-tu dire à ton frère : laisse moi enlever cette paille de ton oeil, alors que tu as une poutre dans le tien.  Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton oeil et alors tu verras assez clair pour enlever la paille de l’oeil de ton frère. 

En réalité il s’agit d’une référence biblique, celle rapportée du sermon dans la montagne par Matthieu dans son évangile, ce texte complet est une forme de guide des règles de vie de l’époque. Il en découle chez Luc et Thomas (toujours en référence biblique) des phrases sur le jugement avec le tu ne jugeras point, entre autres. L’ensemble visant à améliorer les relations humaines afin qu’elles se déroulent dans de bonnes conditions, c’est dire si le sujet a de l’intérêt depuis la nuit des temps et loin d’être considéré comme un simple fétu.

En  terme plus familier, il y a : Occupe toi de tes oignons ou encore cette invitation à balayer devant sa porte avant de se prononcer sur le quidam d’à côté, l’autre, notre reflet au fond, notre miroir réfléchissant.

L’autre prend une place, celle donnée par celui venant consulter. Le thérapeute est toute ouïe, car il sait qu’à cet endroit se loge une manne d’informations, un matériau thérapeutique riche à explorer. Ce qui se reflète sur l’autre, renseigne sur soi.

La personne oriente vers l’autre, dérive comme le ferait une brindille au contact d’une eau vive.  Le TU (l’autre prend la place du soi), c’est tu à la place de Je. 

S’il est plus facile de parler de la paille de l’autre, de le critiquer, lui ou ses actes, c’est qu’il y a émotion(s) chez soi et qu’elles sont transportées au dehors et projetées sur l’autre, pendant que ces émotions s’expriment par ce biais, elles permettent au sujet lui-même d’éviter d’être en contact avec les siennes propres. 

L’intensité de l’émotion avec laquelle la parole se libère en séance va chercher ce qui est logé en soi. C’est tout une démarche de s’arrêter un instant et de répondre à cette question : Et qu’est ce que cela vous fait à vous ? Guider le patient à se recentrer sur lui, à développer son éprouvé, ce qu’il vit émotionnellement lorsqu’il raconte une situation impliquant l’autre. 

En thérapie, il est  encouragé de se centrer sur soi-même et de prendre conscience progressivement de ses propres ressentis, y compris corporels. Parler sur l’autre est un indicateur fort utile, autant tirer partie de cette manière d’exister se présentant là sur l’instant pour la transformer. Cette attitude peut être difficile car il est plus aisé de se servir de l’autre (sous couvert de vouloir mieux le comprendre parfois) comme vecteur pour exprimer ses propres frustrations ou critiques. 

Pour commencer à changer cette habitude, la clé est de se « voir faire », c’est une étape très importante tout comme s’interroger sur ce que nous sommes en train de faire lorsque nous critiquons, ce qui pourrait se cacher derrière nos comportements.

Ensuite, s’habituer à reformuler nos pensées et nos paroles en nous centrant sur nous. Au lieu de critiquer l’autre nous pouvons exprimer nos propres besoins vitaux. Cette approche permet de mieux se connaitre, mieux communiquer avec les autres et développer des relations plus saines et plus authentiques.